mercredi 24 décembre 2008

On peut apporter son interviouve : Nicolas Rousseau


LE POT DE CHAMBRE DES BOBOS


L’ambition du Bigleux étant de se maintenir au plus haut niveau culturel, il n’était pas possible d’ignorer ce monument de la nouvelle chanson française qu’est Vincent Delerm. Ayant découvert récemment comment il écrivait ses chansons, nous ne pouvions éviter de le rencontrer directement. Il a bien voulu s’interrompre en pleine inspiration lyrique pour nous confier quelques pensées…

BigleuxRama : Vincent Delerm, bonjour. Nous vous sommes infiniment reconnaissants d’avoir eu la gentillesse de nous accorder cette petite interviouve…

Vincent Delerm (il regarde, rêveur, par la fenêtre, les feuilles qui tombent des arbres. Assis au piano, il joue quelques notes. Nous reconnaissons la mélodie de « La sonnette de ma grand-mère », chanson écrite en duo avec Cali ): Pardonnez-moi, je repensais à des détails infimes. Un jour, je voudrais écrire un album consacré à ma tasse de café. Mes amis aimeront beaucoup.

BigleuxRama : Vos amis ? Qui par exemple ?

Vincent Delerm : Oh, mes amis de Paris et d’ailleurs. Le public qui me soutient.

BigleuxRama : Oui, alors justement : cette proximité avec votre public bobo, ce n’est pas étouffant à force ?

Vincent Delerm : Comme je l'ai déjà dit : « Quand bien même il n’y aurait que des bobos dans mon public et que je ne vendrais pas un seul disque hors Paris, je ne vois pas où serait le problème. Ce n’est pas le cas, mais admettant que ça le soit, on ne va pas en prison pour ça. C’est vraiment un délit de sale gueule. »

BigleuxRama : Si on peut penser un rapprochement audacieux, on dirait que vous êtes à la chanson ce que votre père est à la littérature.

Vincent Delerm : Tout dépend de ce que vous entendez par cette comparaison…

BigleuxRama : …que vos chansons s’oublient aussi vite qu’une gorgée de bière et qu’on prend un plaisir minuscule à les écouter… Vous n’en faites pas trop sur l’amour du petit, de l’infime ?

Vincent Delerm : Comme j'ai eu l'occasion de le dire (cela ne vous dérange pas si je me cite, n'est-ce pas ?) : « Je n’aime pas qu’on parle de minimalisme... C’est juste la vie qui est comme ça et qui retient des éléments qui n’ont pas forcément l’air d’être les plus importants. »

BigleuxRama : Et ce n’est pas un peu triste de ne retenir de la vie que Télérama, Fanny Ardant et tous les clichés de la bourgeoisie culturelle de gauche ?

Vincent Delerm :
J’ai évolué dans un milieu privilégié c’est vrai. Mais j’ai commencé sous la pluie, du côté d’Evreux. Maintenant, j’ai des amis extraordinaires, on rit beaucoup, en lisant Patrick Modiano. On est tristes aussi. J’ai dans mes tiroirs une chanson sur les cheveux mouillés. C’est un hommage à Evreux.


BigleuxRama : Evreux… qui rime avec creux… Evreux, c’est le pot de chambre de la France... On dirait volontiers que vos chansons sont le pot de chambre des bobos… A tout prendre, on aime mieux quand vous nous parlez de Rouen (Voici La Ville).


Vincent s’absente un instant pour téléphoner à son producteur, pour lui proposer un album sur le thème de la loge de la gardienne de son immeuble. Nous en profitons pour échanger deux mots avec Philippe Delerm, de passage chez son fils. Celui-ci, sous le couvert de l’anonymat, nous fait les confidences suivantes :

Philippe delerm : A propos de l’art vocal de Vincent, je vais vous dire : c’est la crise. Les gens sont fatigués. Il leur faut des chansons mélancoliques… Oui c’est ça, des chansons ennuyeuses, gentiment déprimantes, avec juste un peu de joie mais pas trop. Il ne faut pas d’émotion, il faut que les gens se sentent comme un dimanche après-midi pluvieux. C’est ça qu’ils veulent : du mou, du banal, avec un peu de culture intello par-dessus. Pas de charme ou presque, que du mille fois vu et entendu.

BigleuxRama : (Bâillement) Oui et avec ce ton de voix traînant… et cette posture de celui qui s’écoute chanter. Votre fils adore faire des clins d’œil et du second degré…

Fin des confidences. Philippe a laissé à Vincent le manuscrit de son prochain chef d’œuvre, à paraître dans la collection Blanche de Gallimard : Dithyrambe à un pot de confiture vide.

BigleuxRama : Vincent, sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Vincent Delerm : En ce moment, je réfléchis à une chanson d’actualité, une chanson plus engagée peut-être : Mon Nespresso était froid.

BigleuxRama : Ah oui, ça devient politique…

(Insensiblement mais sûrement, la lassitude envahit le courageux envoyé spécial de BigleuxRama, qui ne s’est jamais tant ennuyé de sa vie.)

Vincent Delerm : Il faut rester subtil, avant tout. Dans la demi-teinte. Je comparerais la chanson à un yaourt nature : il faut que ce soit plaisant, mais pas agressif. De même, comme auteur dramatique, je réfléchis très fort à une pièce sur les hésitations d’un homme (trentenaire, subtil et plein d’humour, cultivé et romantique) qui serait face à sa machine à laver : utilisera-t-il ou non de l’assouplissant ? Cela s’appellerait : « Tourne tambour ».

BigleuxRama : Du moment qu’il y a des gens qui ont le cerveau disponible pour ça… Enfin, merci à vous, Vincent Delerm (Bâillement).

Aucun commentaire: