Eric, part ouane.
Les enfants, asseyez-vous en rond par terre, au pied du grand fauteuil. Là. Onc’ Rodo s’en vient vous conter une nouvelle imbécillité.
Adonques, remontons à un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître : il nous arrivait alors, les aminches et moi-même, de sortir jusqu’à des 22 heures, 22 heures 30, traînant sur les boulevards et buvant de pleines goulées de Valstar. Bref, nous menions ce qu’on appelle la Grande Vie (aujourd’hui, l’infirmière fronce la moustache si nous faisons seulement mine de nous écarter des allées du parc de l’hôpital, et nous avalons de pleines goulées de verveine, ce n’est pas désagréable mais il faut beaucoup sucrer et si on sucre l’infirmière fronce derechef la moustache et ça fait des histoires).
Bref, à ces errances noctambules succédait invariablement la même question : "Comment qu’on rentre, les copains ?"
C’est que du centre de Rouen jusqu’aux périphéries où nous créchions, il fallait tout de même compter quelques plaisantes bornes. Bornes qu’aux heures de grand courage, nous n’hésitions pas à franchir pédestrement en réveillant les voisinages à la ronde passqu’y a pas de raison que des feignasses dorment pendant que l’avenir de la France est en marche.
Oui mais, ce soir-là, précisément, était un soir sans. Sans grand courage, veux-je dire, et je le répète : Comment qu’on rentre? " je sais plus qui a eu l’idée du taxi, mais elle a été rapidement adoptée. Sitôt lancée, l’idée, sitôt attrapée et même concrétisée : Rouen by night, c’est quand même pas Orly aux heures de pointe, n’est-ce pas.
Nous voici donc quatre dans le véhicule : trois dont moi à l’arrière et… Eric à l’avant, au côté du gros bonhomme taciturne qui tient le volant. Le voyage se déroule aimablement et, au passage d’un pont, nous croisons un gars en mobylette.
Exclamation d’Eric qui se retourne vers nous : "Ouah ! je le connais le gars sur la mob’, c’est un copain, on joue au foot ensemble."
Approbation molle du trio somnolent de la banquette arrière :
-Ah ! bon ?
-Eh ! oué, même que c’est le délire : son père il est poissonnier, le gars il s’en plaint assez, il en est écœuré du poisson : ça schlingue le poiscaille partout chez lui ! Sa mère al lui en file à becter à longueur de temps, c’est tout juste si al en fout pas dans la confiote au petit-déj’, etc.
A partir de là, ça se réveille dans l’habitacle, et c’est à qui se montrera le plus finaud, forcément :
-Ouah ! l’aut’ hé, j’espère que la moule à sa mère al est fraîche, faut pas faire fuir la clientèle…
-Son père c’est pas un maquereau des fois ?
Ce genre de subtilités… Jusqu’à ce que, presque arrivés à notre point d’achoppement, et alors que nous dépassons la devanture d’une boutique, le chauffeur sorte de son mutisme et lance à Eric un laconique "C’est pas là qu’il était poissonnier, des fois, le père de votre ami ?"
Et l’autre zig, qui depuis un bon moment déjà, et sans que nous nous en apercevions, a viré de l’hilare au confus et essuie nos salves d’idioties sans plus piper mot, balbutie un humble démenti : "Ah… heu… Ah ! non, non non, c’était plus loin, c’était pas là, heu…"
Ce n’est qu’ après que le taxi nous eut déposés et que nous l’eussions (bigre !) réglés, qu’Eric nous expliqua son subit émoi :
-Putain ! j’avais carrément oublié que le père du copain, il avait lâché la poissonnerie pour devenir chauffeur de taxi !
Adonques, remontons à un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître : il nous arrivait alors, les aminches et moi-même, de sortir jusqu’à des 22 heures, 22 heures 30, traînant sur les boulevards et buvant de pleines goulées de Valstar. Bref, nous menions ce qu’on appelle la Grande Vie (aujourd’hui, l’infirmière fronce la moustache si nous faisons seulement mine de nous écarter des allées du parc de l’hôpital, et nous avalons de pleines goulées de verveine, ce n’est pas désagréable mais il faut beaucoup sucrer et si on sucre l’infirmière fronce derechef la moustache et ça fait des histoires).
Bref, à ces errances noctambules succédait invariablement la même question : "Comment qu’on rentre, les copains ?"
C’est que du centre de Rouen jusqu’aux périphéries où nous créchions, il fallait tout de même compter quelques plaisantes bornes. Bornes qu’aux heures de grand courage, nous n’hésitions pas à franchir pédestrement en réveillant les voisinages à la ronde passqu’y a pas de raison que des feignasses dorment pendant que l’avenir de la France est en marche.
Oui mais, ce soir-là, précisément, était un soir sans. Sans grand courage, veux-je dire, et je le répète : Comment qu’on rentre? " je sais plus qui a eu l’idée du taxi, mais elle a été rapidement adoptée. Sitôt lancée, l’idée, sitôt attrapée et même concrétisée : Rouen by night, c’est quand même pas Orly aux heures de pointe, n’est-ce pas.
Nous voici donc quatre dans le véhicule : trois dont moi à l’arrière et… Eric à l’avant, au côté du gros bonhomme taciturne qui tient le volant. Le voyage se déroule aimablement et, au passage d’un pont, nous croisons un gars en mobylette.
Exclamation d’Eric qui se retourne vers nous : "Ouah ! je le connais le gars sur la mob’, c’est un copain, on joue au foot ensemble."
Approbation molle du trio somnolent de la banquette arrière :
-Ah ! bon ?
-Eh ! oué, même que c’est le délire : son père il est poissonnier, le gars il s’en plaint assez, il en est écœuré du poisson : ça schlingue le poiscaille partout chez lui ! Sa mère al lui en file à becter à longueur de temps, c’est tout juste si al en fout pas dans la confiote au petit-déj’, etc.
A partir de là, ça se réveille dans l’habitacle, et c’est à qui se montrera le plus finaud, forcément :
-Ouah ! l’aut’ hé, j’espère que la moule à sa mère al est fraîche, faut pas faire fuir la clientèle…
-Son père c’est pas un maquereau des fois ?
Ce genre de subtilités… Jusqu’à ce que, presque arrivés à notre point d’achoppement, et alors que nous dépassons la devanture d’une boutique, le chauffeur sorte de son mutisme et lance à Eric un laconique "C’est pas là qu’il était poissonnier, des fois, le père de votre ami ?"
Et l’autre zig, qui depuis un bon moment déjà, et sans que nous nous en apercevions, a viré de l’hilare au confus et essuie nos salves d’idioties sans plus piper mot, balbutie un humble démenti : "Ah… heu… Ah ! non, non non, c’était plus loin, c’était pas là, heu…"
Ce n’est qu’ après que le taxi nous eut déposés et que nous l’eussions (bigre !) réglés, qu’Eric nous expliqua son subit émoi :
-Putain ! j’avais carrément oublié que le père du copain, il avait lâché la poissonnerie pour devenir chauffeur de taxi !
Un qu’a dû passer un bon quart d’heure en rentrant chez lui après sa virée en mobylette, ce soir-là, c’est le fils du taxi. Gageons-le…
3 commentaires:
oui mais alors... part ouane, ça implique une suite, non ? Mais quoi ? Qui ? Où donc ? Aaaah je ne pourrais pas dormir sans connaitre l'églefin mot de cette histoire !
Excellent !
Pareil que Pat Dubreuil : ouzqu'elle est la suite ?
Jean
Hop !
Ah ! mais y a pas de suite. Enfin, pas à cette histoire. Mais c'est bien écrit "Eric, part ouane", oui. Ce qui signifie qu'il y aura d'autres imbécillités dûes, ô joie, au même Eric... pas qu'à lui d'aileurs, hé ! hé !
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