LE TONTON DE PROVENCE
Non seulement celle là pourrait avoir été tirée d’une pièce de Pagnol (inédite), mais en plus, elle est authentique. Et tellement authentique qu’elle a été racontée par les protagonistes de l’histoire, lesquels ne sont autres que les parents de votre serviteur.
Oh ! Rien de fondamentalement exceptionnel : pas de quoi déplacer Spielberg, mais bon, un rien m’amuse. Cinq minutes d’attention : je vous résume la chose.
Au début des années 70, Rodo père, subitement pris d’une irrésistible crise d’identité, décide de renouer un contact perdu depuis quelques décennies avec certains membres éloignés de la famille. Il jette alors son dévolu sur deux de ses oncles, frangins de son père, avec lequel ils sont fâchés depuis longtemps, pour une obscure raison, un truc très grave à n’en point douter, dans le genre il m’a piqué mon goûter quand j’avais quatre ans. Et bref, le grand père ne voulant entendre parler de rien, mon père se résigne à aller seul à la rencontre de ces deux êtres de légende qui ne seraient donc qu'arsouilles patentés d’une saleté à faire vomir tous les yetis de l’Himalaya.
Oh ! Rien de fondamentalement exceptionnel : pas de quoi déplacer Spielberg, mais bon, un rien m’amuse. Cinq minutes d’attention : je vous résume la chose.
Au début des années 70, Rodo père, subitement pris d’une irrésistible crise d’identité, décide de renouer un contact perdu depuis quelques décennies avec certains membres éloignés de la famille. Il jette alors son dévolu sur deux de ses oncles, frangins de son père, avec lequel ils sont fâchés depuis longtemps, pour une obscure raison, un truc très grave à n’en point douter, dans le genre il m’a piqué mon goûter quand j’avais quatre ans. Et bref, le grand père ne voulant entendre parler de rien, mon père se résigne à aller seul à la rencontre de ces deux êtres de légende qui ne seraient donc qu'arsouilles patentés d’une saleté à faire vomir tous les yetis de l’Himalaya.
C’est pas dur : ils habitent en Provence, du côté de Faïence.
Un contact est donc rapidement établi avec l’un d’eux qui, loin d’évoquer la hideur d’obscénité promise, parait au contraire avoir tout du brave provençal tel que l’imaginaire populaire se le représente : pastis, gouaille et nonchalance. Et oncle heureux de retrouver son neveu chéri, comment avons nous pu vivre aussi longtemps si éloignés l’un de l’autre, oh ! César, mets une bouteille au frais !
Un citoyen aimé de ses congénères et respecté pour ses grandes qualités de cœur, comme il l’expliqua lui même au premier coup de téléphone : « Vous aurez qu’à me demander au village, on vous dira exactement où j’habite. C’est pas compliqué : ici tout le monde m’aime bien, je rends services sur services, pour un peu on voterait pour moi ! ». Rendez vous est donc pris : c’est mon père, qui fera le voyage jusqu’en Provence, il profitera des prochaines vacances...
Vacances qui finissent par arriver, si bien que par une belle journée de printemps, la place d’un petit village du midi reçoit la visite d’un couple de touristes que rien, apparemment, ne prédispose aux foudres de l’ire populaire. Et pourtant...
Mes parents arrêtent la première vieillarde qu’ils croisent sur leur chemin et, bien poliment, s’inquiètent de savoir si, par un heureux hasard, elle ne connaîtrait pas un certain Antoine G., ci-devant bienfaiteur du village et probablement célébrité locale. L’accorte vieille se mue illico en furie, et une pluie d’injures s’abat sur les deux estrangeois, abasourdis !
— L’Antoine G. ! Si j’le connais l’Antoine G. ! Ah ! Vous parlez d’un saligaud ! Ce salaud, il a piqué sa femme à mon fils[1], qu’il en est resté tout malheureux, le pauvre ! Ah ! Si je le connais l’Antoine ! Vous êtes de la famille ! Ah ! Ben vous le trouverez bien tout seul vouei ! Ah ! Fouach !
Après quoi elle crache par terre et se signe par trois fois en invoquant le Christ. Non, là j’en rajoute.
Toujours est-il qu’après avoir essuyé une salve du même tonneau dans le troquet où ils avaient cru bon de réitérer leur demande (mais où on avait quand même condescendu à leur donner le renseignement demandé pour la raison que peuchère, ils n’y sont pour rien après tout et même, ça doit pas être tous les jours marrant d’avoir un tel cloporte pour parent), père et mère finissent par prendre la direction de la cagna du tonton, sous les regards lourds de mépris de la foule. Cagna où ils découvrent enfin de visu l’objet de tant d’opprobre (tout en pittoresque, que si vous êtes sage, je vous conterai ça une prochaine fois).
Ajoutons à ça qu’il ne fut à aucun moment possible de rencontrer ensemble les deux tontons (le deuxième répondant au fier prénom d’Émile), tant ils se vouaient une haine mutuelle soigneusement entretenue,et aggravée par une proximité géographique qui ne lassait pas de les contrarier, et vous aurez un aperçu de l’atmosphère toute particulière dans laquelle ont baigné ces émouvantes retrouvailles, et bon quoi, j’aurais bien aimé y être.
Un contact est donc rapidement établi avec l’un d’eux qui, loin d’évoquer la hideur d’obscénité promise, parait au contraire avoir tout du brave provençal tel que l’imaginaire populaire se le représente : pastis, gouaille et nonchalance. Et oncle heureux de retrouver son neveu chéri, comment avons nous pu vivre aussi longtemps si éloignés l’un de l’autre, oh ! César, mets une bouteille au frais !
Un citoyen aimé de ses congénères et respecté pour ses grandes qualités de cœur, comme il l’expliqua lui même au premier coup de téléphone : « Vous aurez qu’à me demander au village, on vous dira exactement où j’habite. C’est pas compliqué : ici tout le monde m’aime bien, je rends services sur services, pour un peu on voterait pour moi ! ». Rendez vous est donc pris : c’est mon père, qui fera le voyage jusqu’en Provence, il profitera des prochaines vacances...
Vacances qui finissent par arriver, si bien que par une belle journée de printemps, la place d’un petit village du midi reçoit la visite d’un couple de touristes que rien, apparemment, ne prédispose aux foudres de l’ire populaire. Et pourtant...
Mes parents arrêtent la première vieillarde qu’ils croisent sur leur chemin et, bien poliment, s’inquiètent de savoir si, par un heureux hasard, elle ne connaîtrait pas un certain Antoine G., ci-devant bienfaiteur du village et probablement célébrité locale. L’accorte vieille se mue illico en furie, et une pluie d’injures s’abat sur les deux estrangeois, abasourdis !
— L’Antoine G. ! Si j’le connais l’Antoine G. ! Ah ! Vous parlez d’un saligaud ! Ce salaud, il a piqué sa femme à mon fils[1], qu’il en est resté tout malheureux, le pauvre ! Ah ! Si je le connais l’Antoine ! Vous êtes de la famille ! Ah ! Ben vous le trouverez bien tout seul vouei ! Ah ! Fouach !
Après quoi elle crache par terre et se signe par trois fois en invoquant le Christ. Non, là j’en rajoute.
Toujours est-il qu’après avoir essuyé une salve du même tonneau dans le troquet où ils avaient cru bon de réitérer leur demande (mais où on avait quand même condescendu à leur donner le renseignement demandé pour la raison que peuchère, ils n’y sont pour rien après tout et même, ça doit pas être tous les jours marrant d’avoir un tel cloporte pour parent), père et mère finissent par prendre la direction de la cagna du tonton, sous les regards lourds de mépris de la foule. Cagna où ils découvrent enfin de visu l’objet de tant d’opprobre (tout en pittoresque, que si vous êtes sage, je vous conterai ça une prochaine fois).
Ajoutons à ça qu’il ne fut à aucun moment possible de rencontrer ensemble les deux tontons (le deuxième répondant au fier prénom d’Émile), tant ils se vouaient une haine mutuelle soigneusement entretenue,et aggravée par une proximité géographique qui ne lassait pas de les contrarier, et vous aurez un aperçu de l’atmosphère toute particulière dans laquelle ont baigné ces émouvantes retrouvailles, et bon quoi, j’aurais bien aimé y être.

2 commentaires:
Poilade et pagnolade !
Tu en ferais une pièce de théâtre qu'on n'y croirait pas, malheureux !
Nico
Ah oui... lourde hérédité... ça explique bien des choses...
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